Description
Louise Michel
Dessin de Emre Orhun
6ème Conseil de guerre. Présidence de M. DELAPORTE, colonel du 12ème Chasseurs à Cheval.
Audience du 16 décembre 1871 : (…) notre avis est qu’il y a lieu de mettre Louise Michel en jugement pour :
1. Attentat ayant pour but de changer le gouvernement ;
2. Attentat ayant pour but d’exciter à la guerre civile en portant les citoyens à s’armer les uns contres les autres ;
3. Pour avoir, dans un mouvement insurrectionnel, porté des armes apparentes et un uniforme militaire, et fait usage de ces armes ;
4. Faux en écriture privée par supposition de personne ;
5. Usage d’une pièce fausse ;
6. Complicité par provocation et machination d’assassinat des personnes retenues soit-disant comme otages par la Commune ;
7. Complicité d’arrestations illégales, suivies de tortures corporelles et de morts, en assistant avec connaissance les auteurs de l’action dans les faits qui l’ont consommée ;
M. le Président : Vous avez entendu les faits dont on vous accuse, qu’avez-vous à dire pour votre défense ?
L’accusée : Je ne veux pas me défendre, je ne veux pas être défendue ; j’appartiens toute entière à la révolution sociale, et je déclare accepter la responsabilité de mes actes. Je l’accepte toute entière et sans restriction. Vous me reprochez d’avoir participé à l’assassinat des généraux ? A cela je répondrais oui si je m’étais trouvée à Montmartre quand ils ont voulu faire tirer sur le peuple, je n’aurais pas hésité à faire tirer moi-même sur ceux qui donnaient des ordres semblables, mais, lorsqu’ils ont été fait prisonniers je ne comprends pas qu’on les ait fusillés, et je regarde cet acte comme une insigne lâcheté !
Quand à l’incendie de Paris, oui j’y ai participé. Je voulais opposer une barrière de flammes aux envahisseurs de Versailles. Je n’ai pas eu de complices pour ce fait, j’ai agi d’après mon propre mouvement. On dit aussi que je suis complice de la Commune ! Assurément oui, puisque la Commune voulait avant tout la révolution sociale, et que la révolution sociale est le plus cher de mes voeux ; bien plus, je me fais l’honneur d’être un des promoteurs de la Commune qui n’est d’ailleurs pour rien, pour rien, qu’on le sache bien, dans les assassinats et les incendies : moi qui ai assisté à toutes les séances de l’Hôtel de Ville, je déclare que jamais il n’y a été question d’assassinats ou d’incendie. Voulez-vous connaître les vrais coupables ? Ce sont les gens de la police, et plus tard, peut-être, la lumière se fera sur tous ces événements dont on trouve aujourd’hui tout naturel de rendre responsables tous les partisans de la révolution sociale.
Un jour, je proposais à Ferré d’envahir
l’Assemblée ; je voulais deux victimes, M. Thiers et moi, car j’avais fait le sacrifice de ma vie et j’étais décidée à le frapper.
Etc.
M. le Président : Il paraît que vous portiez divers costumes sous la Commune ?
L’accusée : J’étais vêtue comme d’habitude ;
je n’ajoutais qu’une ceinture rouge sur mes vêtements.
M. le Président : N’avez-vous pas porté plusieurs fois un costume d’homme ?
L’accusée : Une seule fois, c’était le 18 mars : je m’habillai en garde national, pour ne pas attirer les regards…
M. le Président : Accusée, avez-vous quelque chose à dire pour votre défense ?
Louise Michel : Ce que je réclame de vous, qui vous affirmez conseil de guerre, qui vous donnez comme mes juges, qui ne vous cachez pas comme la Commission des Grâces, de vous qui êtes des militaires et qui jugez à la face de tous, c’est le champ de Satory, où sont déjà tombés nos frères.
Il faut me retrancher de la société ; on vous dit de le faire : eh bien ! Le Commissaire de la République a raison. Puisqu’il semble que tout coeur qui bat pour la liberté n’a droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame une part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la Commission des Grâces…
M. le Président : Je ne puis vous laisser la parole si vous continuez sur ce ton.
Louise Michel : J’ai fini… Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi…
Emre Orhun est un illustrateur basé sur Lyon. Depuis 1998, il illustre des albums jeunesse, des bandes dessinées, des affiches, couvertures de livres, pochettes d’albums, articles de journaux ou de magazines (Libération, Le Monde, Magazine XXI…). En parallèle de ce travail il réalise aussi nombre de dessins pour des projets alternatifs et pour des expositions dans des galeries d’art. Il utilise souvent la technique de la carte à gratter, technique particulière qui permet en grattant une surface noire de découvrir la «lumière » du blanc. Il enseigne également à l’école Emile Cohl à Lyon.
Erzsebet, Glénat, 2010
Publications :
– La malédiction du Titanic, Glénat, 2012
– Medley, Editions Même Pas Mal, 2016
https://emreorhun.jimdo.com/
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